Petit cours de géopolitique appliquée à Game of Thrones* (oui, rien que ça)

^*La série télé, parce que les livres je les ai pas lus, déso.

[MESSAGE DE SERVICE]

– Cet article contient des références aux épisodes les plus récents de Game of Thrones. Comme vous savez lire vous êtes prévenus, nous déclinons donc toute responsabilité en cas de spoilers.

– Cet article analyse une œuvre de fiction. Tout parallèle avec des situations réelles, présentes ou passées, est clairement souhaité.

En attendant la dernière saison de GoT (et ça sera peut-être pas avant 2019 hein, le dragon zombie aura même eu le temps de sortir de sa crise d’ado), prenons le temps de s’arrêter deux minutes et de faire un point géopolitique sur le gros boxon sur lequel on a laissé le dernier épisode – et sur ce que ces 7 saisons ont à nous enseigner sur notre vision du monde.

Si on se la joue comme Yves Lacoste, aka le Zizou de la géopolitique française (dans le milieu on dit « qu’il a fait école », ça veut dire qu’il pèse dans le game), plutôt que de dire qu’on va faire une lecture géopolitique de Game of Thrones, on fait genre on va faire un diatope des conflits. En fait, c’est juste une énième façon d’inventer un mot compliqué (pour signifier au monde que t’es dans la team de ceux qui ont réussi, ceux qui portent une cravate), alors qu’il s’agit simplement de regarder qui est impliqué dans le conflit à plusieurs échelles. Je te l’accorde, pour le profane c’est pas forcément plus simple dit comme ça (et encore, j’ai fait un effort, j’ai pas dit « analyse multiscalaire du jeu d’acteurs »), mais « aies confiance croies-en moi » (un cookie vegan si t’as la référence), ça veut juste dire que le mec applique la base de toute démarche géographique.

En effet, un des principes de la géo est de jouer sur les différentes échelles d’analyse pour comprendre une situation sur un espace donné. Tant qu’on y est, précisons qu’« au sens strictement cartographique, le terme « échelle » désigne le rapport entre une distance réelle, mesurée dans l’espace terrestre, et celle de sa représentation sur une carte. Puisqu’il s’agit d’un rapport, l’échelle sera donc « petite » lorsque le dénominateur est grand et inversement « grande » lorsque ce dernier est petit » (définition Géoconfluences).

Donc, si t’as bien suivi, tu ne feras plus la confusion entre petite et grande échelle : « à petite échelle » = à l’échelle mondiale et « à grande échelle » = à l’échelle locale, et non l’inverse. Petite astuce qui te permettra d’impressionner ton prochain match Tinder, sauf si elle ou il est géographe, auquel cas elle ou il risque plutôt de te regarder comme ça :

Ces définitions posées, c’est parti pour un p’tit diatope de Game of Thrones. Si besoin d’un récap’ sur la géographie de GoT pour pouvoir suivre, tu peux cliquer ici et là.

On commence à grande échelle, parce que j’ai envie. A l’échelle locale donc, le centre de l’action, là où y a le trône t’as vu, se joue déjà des luttes de pouvoir. King’s landing, aka Port Réal en vf, aka Dubrovnik en réalité augmentée, est le théâtre dans les saisons 5 et 6 de conflits pour le contrôle de la ville. Ça se tape entre le pouvoir séculier, les Lannister (soit disant tenants du trône mais tmtc c’est rien que des mythos) et le pouvoir régulier, « la Foi », version petits frères des pauvres de l’Inquisition. Les mecs font genre ils sont investis d’une mission divine totalement désintéressée pour moraliser la société, mais la vérité c’est rien qu’un prétexte pour contrôler le territoire et dire « C’EST QUI PAPA » (parce que SPOILER ALERT, les guerres de religion, ça n’existe pas). Petite intrigue dans l’intrigue pour justifier les 8 saisons d’HBO, que cette brave Cersei s’est chargée de régler d’un coup de flambant greenwashing quand on commençait tous à plus en pouvoir du grand Moineau (merci pour ça, mais c’était pas la peine de cramer Margaery avec, bordel !).

Cette histoire réglée, revenons aux big games avec un premier dézoomage. On passe à l’échelle de l’île de Westeros, où se joue le conflit le plus évident d’après le titre de la saga, celui pour savoir qui a le droit de s’asseoir sur ce put… de trône de fer qui a pourtant l’air pas du tout confortable. Les 7 familles (House Arryn des Eyriés, House Tully de Vivesaigues, House Barathéon de Storm’s End, House Lannister de Casterly Rock, House Martell de Dorne, House Stark de Winterfell, House Tyrell de Highgarden, que t’as cité sans respirer et sans les mains si t’es un vrai), tenantes des 7 royaumes (ou territoires pour sonner géographe) s’embrouillent donc pour savoir qui est le successeur légitime de Robert Barathéon depuis que ce gros boulet s’est fait embrocher par un sanglier. Notons que sans ça on serait tranquille et les Stark bisous cœur toujours au complet avec leurs 5 méga loups, même si d’un point de vue antispéciste c’est un peu bien fait pour sa gueule à Robert (sauf pour les loups). Comme en plus ces 7 familles (« Dans la famille Stark je voudrais le pè… eeet merde ! ») ont chacune des bannerets qui sont censés les soutenir mais font souvent une Valls parce que pourquoi ils pourraient pas être califeàlaplaceducalife eux aussi hein, tout ça part rapidement en sucette. Heureusement, à la fin de la saison 6, à force de faire mourir les trois quarts des personnages (CHEH Bolton, CHEEEEH !), on commence à y voir un peu plus clair et on va pouvoir aborder le prochain conflit.

En effet, si on change de nouveau d’échelle, les 7 maisons se tapent sur la gueule en famille à Westeros alors que y a Daenerys qui rassemble ses troupes tranquillou depuis Essos, et la meuf elle a des dragons quoi. En gros, c’est comme si les mélenchonistes et les hamonistes préfèraient se bouffer entre eux alors que y a Manu et ses marcheurs (coïncidence ? JE NE PENSE PAS) qui débarquent et… oh wait! ça pour le coup on sait comment ça finit.

Revenons à nos dragons, c’est pas comme si certains conseillers stratèges de telle ou telle famille (comme Tyrion le-nain-qu’on-l’aime-bien, Varys genre-j’suis-un-Lord-t’es-surtout-chauve-et-eunuque-ouais, Jorah l’amoureux-transis-lépreux-Mormont, entre autres) avaient pas prévenu que la vraie menace c’était la blondasse de l’autre côté du détroit.

Mais comme d’hab’, ces gars-là on ne les écoute que quand ils disent des trucs qui nous arrangent, d’ailleurs ils ont fini par comprendre ils se sont tous barrés rejoindre Daenerys Stormborn lanonbrûlée-de-la-House-Targaryen-Queen-of-the-Andals-et-des-first-Men-Kalheesi-de-la-grande-herbe-Sea-breakeuse-de-chaînes-et-mother-of-blablabla parce que son nom fait trois lignes ~~parce qu’elle est~~ bonne parce que l’herbe est toujours meilleure du côté du vainqueur. Y a que Littlefinger j’ai-p’t’être-un-p’tit-doigt-mais-j’suis-un-gros-bâtard-quand-même qui se l’est jouée solo à Winterfell parce qu’il préfère les rousses (mais fallait pas la prendre pour une conne).

Si on dézomme une dernière fois, à la plus petite échelle possible, soit l’échelle globale, on aperçoit les confins du monde connu de GoT, et que vois-je ? Un mur ! Que dis-je un mur, c’est un rempart, c’est une grande muraille ! Et qu’y a-t-il de l’autre côté du Mur ?

On sait tellement pas que personne n’a cartographié ce territoire au-delà de la Frontière avec un grand F (comme « François, rends l’argent ! »… pardon je m’égare). Bref, on sait pas mais on a bien saisi que l’un des enjeux de l’histoire c’est ce qu’il y a « de l’autre côté du Mur ». Au départ, on nous explique que le Mur sépare les 7 Royaumes, soit le monde civilisé, des Sauvageons, ces monstres sanguinaires et poilus qui mangent les petits enfants. C’est en tout cas ce que les p’tits westeriens qui ont bien appris leur leçon, nordiens et gardes de nuit en tête, répètent à l’envi. Mais quand Jon se dévergonde à cause d’une rousse (encore un qui a du goût) et finit par être pote avec Mance (le roi du Peuple Libre sisi), on découvre que les Sauvageons sont plutôt des gros anar’ qui ont refusé de prêter allégeance à un roi et ont donc pas eu d’autre choix que d’aller vivre en autogestion dans leur ZAD de l’autre côté du Mur. Ce qui les rend finalement assez sympathiques, en plus d’être barbus et roux. Mais alors, se pourrait-il que les grands de ce monde nous mentent ? Que le Mur n’ait pas été érigé contre les rebelles zadistes certes un peu susceptibles quand ils ont trop bu (mais y avait de la violence des deux côtés okay ?), mais pour se protéger d’un danger bien plus grand ?

A l’échelle globale en effet, il semblerait que la vraie menace soit les Marcheurs Blancs, ces sortes de zombies de glace qu’on sait pas trop ce que c’est mais clairement ce sont pas des humains et ils ont pas l’air de trop les kiffer, les humains. J’vous rappelle que l’épisode 1 de la saison 1 s’ouvre sur des mecs de la Garde de Nuit qui se font défoncer par les White Walkers et même que y en a un qui arrive à s’enfuir et il va raconter à Nedounet ce qu’il a vu, et Nedounet il croit que c’est un mytho qui cherche juste une excuse parce qu’il a déserté et du coup Nedounet il le bute. Bon on adore Nedounet mais l’histoire nous a prouvé qu’il était pas hyper clairvoyant comme mec. Or face au King de la Night (pas ton grand oncle qui enflamme le dance floor à la fête du village) et son armée des Morts, les Stark-Lannister-Tyrell-etc-Targaryen-Sauvageons passent juste pour des cons à s’entretuer alors que les Marcheurs Blancs, eux, se foutent de ton nom de famille et d’à quel camp t’as prêté allégeance puisqu’ils viennent juste pour défoncer l’Humanité, en toute détente. Ce que seul Jon Snow, qui know pas nothing sur ce coup-là, a capté. Et d’ailleurs lui aussi il s’est fait buter pour ça. SI ON POUVAIT ARRETER DE DEFONCER LES LANCEURS D’ALERTE ET LES ECOUTER A LA PLACE, CE SERAIT SYMPA LES GARS.

Si t’es un vrai qui est à jour dans la saison 7, tu sais que le nouveau leitmotiv de la série c’est qu’il faut se préparer à la Grande Guerre à venir. Là quand j’ai vu ça, alors que j’avais déjà commencé à écrire cet article, j’me suis dit chouette, les mecs sont un peu long à la détente mais ils ont fini par comprendre. Sauf qu’en fait ils ont encore un train de retard puisqu’ils parlent de la guerre Lannister VS Targaryen.

Forcément maintenant que Dany a traversé le détroit et qu’elle a fait faire une ptite promenade à son dragon préféré, ça devient difficile de l’ignorer. Et la guerre des 5 rois de se transformer en guerre des 2 reines (girl powa, toussa toussa). Heureusement pour l’humanité, Jon le rabat-joie a ressuscité pour venir rabâcher à l’envi (c’est un peu Jésus le mec en fait) que la grande guerre to come, c’est pas Daenerys vs Cersei mais les Morts vs les Vivants.

Or l’armée des Morts elle vient de l’autre côté du Mur, là où on se gèle les miches même pendant le long été, et ils sont contrôlés par qui ? Par les Marcheurs Blancs, un bon point pour Jean-Eude. Han mais dis ce serait pas plutôt d’eux dont on parle avec ce putain de winter is coming ? Des mecs qui répandent le froid et la glace en levant les bras et menacent ainsi l’humanité par ce brusque changement de température… TU LA SENS VENIR L’ALLEGORIE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE LA ? Voilà.

Les différents conflits de GoT qui paraissent dérisoires face à la menace du King de la Night, c’est un peu comme quand on nous explique que l’environnement est la préoccupation n°1 des Français mais bizarrement dès qu’on rentre en période électorale on en n’entend plus parler dans les débats. C’est comme le citadin qui s’insurge contre les pics de pollution de l’air mais qui prend sa voiture plutôt que le vélo ou les transports en commun « parce que la flemme quoi ». Comme ces internautes qui s’insurgent dès qu’ils voient une vidéo d’orang-outan en cage sur Facebook, commentant à l’envi qu’ils boycottent les zoos (t’es trop un rebel mec), mais qui ne renoncent pas à leurs tartines de Nutella et autres produits bourrés d’huile de palme parce qu’« ah nan mais c’est pas possible c’est trop bon quoi ». Comme le mec qui lance une pétition contre les Chinois qui mangent des chats tout en se tapant 2 burgers par jour et du saucisson à chaque apéro. Comme ceux qui se sont improvisés néo-militants du climat pour dénoncer la sortie de Trump de l’accord de Paris (comme si les Etats-Unis avaient déjà respecté les accords) mais qui foutent le chauffage à fond l’hiver parce qu’on va quand même pas se balader en pull dans notre appart’ nanmého. Bon je continue ou vous avez compris l’idée ?

giphy1 — *Les Etats-Unis quand ils signent un accord environnemental*

Nan parce que tout le monde répète que winter is coming winter is coming, puis à force de le dire on arrive à la saison 7 où winter is here et tout et tout mais faut que Dany perde un de ses dragons pour qu’ENFIN elle capte (et d’où un dragon-zombie-glacé peut cracher du feu ?! Oui je pose les vraies questions). Quant à Cersei, tu vois le moment dans l’épisode 7 où tu crois qu’après n’avoir pas réussi à tuer Tyrion elle devient gentille et qu’ils vont tous dire « pouce ! on sauve l’humanité d’abord et après on reprend le chat perché » ? Ce moment où tu te dis « c’est trop beau ce qu’il se passe elle est où l’embrouille ? » et pourtant quand tu découvres que bah ouais y a embrouille vu qu’on parle de cette p*** de Cersei tu te rends compte que t’y as cru un peu quand même, qu’ils allaient enfin arrêter d’être cons et s’allier pour sauver leurs fesses. Et bah vis ma vie d’écolo pendant le 1^er tour de la présidentielle (pour ne pas dire tous les jours).

Ah ouais, en plus, pour les dissipés du fond de la classe qui n’ont pas suivi, l’e07s07 insiste bien lourdement sur le fait que les DEUX dernières guerres de Westeros, aka la rébellion du gros Robert et Nedounet ET la guerre des 7 maisons 5 rois 2 reines se sont lancées sur des fake news. Moralité : TOUT CA POUR QUEUDAL LES GARS. Et pendant c’temps là, on règle pas les vrais problèmes (le changement climatique en marche sur le mur), COMME D’HABITUDE.

Et voilà comment on démontre* que des marcheurs blancs à la crise environnementale, il n’y a qu’un Mur (et pour info il a pété hein).

En espérant t’avoir convaincu de l’intérêt d’analyser les événements aux différentes échelles (ce que le bon sens populaire appelle « prendre du recul ») et de sortir de notre société de consommation capitaliste ultralibérale pour sauver la planète (et nous avec), je te fais des câlins bisous cœur (sauf si tu contribues au massacre des orang-outans en consommant des produits à base d’huile de palme, là j’te fais pas de câlin).